détective privé

Condamnée à trouver un donneur de moelle osseuse, Pauline provoque la vie et la mort, avec la même bravoure et le même sourire. Et pourtant.

Elle respire le bonheur, avec son petit ventre en avant et un sourire qui ne la quitte jamais. Dans deux mois, elle mettra au monde un enfant. Son enfant. Elle en est fière. C’est sa volonté que rien, ni personne ne pourra lui enlever. Et pourtant, Pauline sait que sa vie ne tient qu’à un fil. Mais quel fil ! « J’ai grandi sans père, il est possible que mon enfant grandisse sans mère. C’est comme ça ! »
Pauline Seguin est née, il y a 22 ans, au Gabon. Au lendemain de sa naissance, son père quitte le foyer, pour ne jamais revenir. Pauline pousse avec sa mère, et deux demi-sœurs, qui viendront plus tard. Dès ses premiers jours, elle souffre d’une forte anémie, puis d’hémorragies nasales, rien cependant qui n’éveille une réelle inquiétude chez les médecins locaux.
Mais les douleurs persistent. A son arrivée à Romorantin (Loir-et-Cher), en 2009, sa maman la conduit en consultation à l’hôpital Clocheville de Tours. Le diagnostic tombe avec brutalité : aplasie médullaire idiopathique aiguë. « En gros, on me dit que j’ai une sorte de leucémie avec tous les symptômes qui vont avec. Je passe alors le plus clair de mon temps dans les hôpitaux : Clocheville, Bretonneau, l’Alliance où je suis mon médecin traitant. Je suis aussi traitée par un spécialiste des greffes à Paris. » La seule chance qui lui est donnée de survivre est justement de subir une greffe de moelle osseuse. Sa mère, potentielle donneuse, ne peut lui fournir que 50 % de ses besoins, ses sœurs sont limitées à 30 % et son père à 50 %.
Pour que la formule fonctionne, l’idéal est d’additionner les moelles de sa mère et de son père (NDLR : celles de sœurs ne sont pas jugées suffisamment efficaces pour une vraie guérison). Problème, le père est introuvable. Jamais de nouvelles. Déclarée prioritaire sur le fichier international des greffes de moelle osseuse, Pauline croit cependant pouvoir se passer de l’héritage paternel. Mais au bout de deux ans de recherches poussées, l’appel reste sans écho. « Le fait d’être métisse a compliqué encore les choses », grimace-t-elle.

“ Je rêve, un jour, de devenir chirurgien ”

Entre-temps, elle fait deux rechutes. La première, à 16 ans : « J’en avais assez de prendre 20 pilules par jour et de passer mon temps à l’hôpital. J’ai fait des bêtises, j’ai arrêté le traitement. » La seconde la surprend en 2016, à son corps défendant. Cette fois, le médecin lui parle au futur, sans mettre de conditionnel : la troisième sera fatale.
De guerre lasse, Pauline s’adresse à un détective tourangeau (lire ci-dessous) pour retrouver son père. Fabrice Brault, touché par l’incroyable trajectoire de la jeune femme, fouille les entrailles de la France, retrouve les traces du père dans un endroit reculé de la région de Béziers. Mais il apprend que le père s’est tué dans un accident de la route. Il débusque aussi la grand-mère, dans une caravane, entre Bastia et Solenzara. Émue par cette histoire qu’elle croyait enterrée à jamais, la mamie propose d’offrir sa moelle à la jeune femme. Solution sans lendemain. Et d’ailleurs, elle n’en voit plus beaucoup, de solutions, aujourd’hui, Pauline. Alors elle continue d’avancer, avec la détermination d’un bulldozer, sans autre arme que sa foi en Dieu et son incommensurable appétit de vivre. « En attendant de trouver un donneur, si jamais j’en trouve un, un jour, je me suis inscrite à la fac de médecine de Tours. Et puis, avec mon compagnon, on attend notre bébé, qui va bientôt arriver. Personne n’imaginait que je pourrais tomber enceinte. Mais je n’ai pas envie de m’apitoyer sur mon sort. Quand je suis triste, je pleure toute seule dans mon coin et ça passe. Je ne veux pas donner l’image de quelqu’un de désespéré. D’ailleurs, je ne suis pas désespérée, je rêve. Je rêve beaucoup. Je rêve de devenir un jour chirurgien. »